La menace du lac périglaciaire des Bossons
Compte-rendu de la réunion publique d’information sur le lac périglaciaire des Bossons du 16 février 2023
Participants : M. Eric Fournier maire, M. Remy Darroux sous-préfet de Bonneville, M. Claude Jacot adjoint chargé de la sécurité, M. Mathieu Tisné chargé de la gestion des risques naturels et de la sécurité en montagne à la CCVCMB, M. Patrick Viale Premier adjoint de la maire des Houches, M. Christian Vincent institut des géosciences de l’environnement de Grenoble (CNRS-INRAE), Mme Brobecker Restauration des terrains en montagne (service rattaché à l’ONF)
Constats
Le glacier des Bossons a reculé de 1100m depuis les années 1980 et perdu 20 m d’épaisseur entre 2015 et 2019 (40 m au niveau du front).
Un lac est apparu en 2015 en rive droite du glacier au niveau des Pyramides à l’altitude 1695m. Le volume du lac était de 4000m3 le 5 juin 2021 et 12 150 m3 en septembre 2022.
Les observations du LGE (1) (campagne radar en mars 2021, forage en juin 2021) montrent que le lit rocheux s’incline vers la montagne de la côte et que le lac peut s’agrandir. Une surverse naturelle pourrait intervenir à la fin de l’été 2023 ou au début de l’été 2024 avec un volume de 25 000 à 32 000 m3.
Le lac est voué naturellement à disparaitre sous trois ans. Si on ne fait rien sa vidange se produira par surverse (au 1er décembre 2022 un petit col glaciaire ne se situait qu’à 5,35 m au-dessus du lac or entre octobre 2021 et octobre 2022 l’ablation a atteint 5,6 m) ou par vidange sous glaciaire. Les scientifiques ne peuvent déterminer si cette vidange s’accompagnera d’une mobilisation d’éléments solides par charriage ou par des laves torrentielles plus ou moins visqueuses (incertitude scientifique sur la rhéologie). Un marché d’étude a été conclu par le SM3A (syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et de ses affluents) afin notamment d’affiner les hypothèses de volumes de laves torrentielles. Le plan des eaux joue un rôle essentiel pour réguler les transports solides mais les eaux claires ont un fort pouvoir érosif des berges.
L’incidence est susceptible de dépasser le périmètre du plan de prévention des risques inondation. Différentes modélisations ont été effectuées avec des laves plus ou moins visqueuses et des hypothèses de volumes allant de 15 000 à 100 000 m3 (2). En cas d’émission de laves le plan des eaux pourrait retenir jusqu’à 60 000 m3 de laves visqueuses mais seulement 30 000 m3 de laves fluides. Le glacier des Bossons a trois émissaires les torrents de la Creusaz, de la Crosette (3) et des Bossons. Compte tenu de l’inclinaison du lit rocheux, le torrent des Bossons, jusqu’ici peu actif et dont le lit est étroit, va devenir le principal émissaire des eaux de fonte.
Le risque de surverse ou de vidange soudaine du lac menace plusieurs enjeux (habitations dont certaines sont au ras du torrent des Bossons, campings avec, qui plus est, des mobil homes du camping des Ecureuils implantés sur la digue).
Travaux réalisés et prévus
Les travaux menés en juin 2022 en déblayant les blocs encombrant le lit de la Crosette avaient permis de diminuer le volume du lac de 4000 m3 et de diminuer son niveau de 1,25m.
De nouveaux travaux sont nécessaires pour éviter une surverse ou une vidange brutale. Plusieurs options ont été étudiées en exploitant les retours d’expérience des suisses (4) et des italiens : creusement d’une galerie sous le rocher, pompage, siphonnage, interception de la source du lac, comblement du lac par des matériaux morainiques, pose d’une bâche géotextile sur le verrou glaciaire pour ralentir la fonte, creusement de l’exutoire de la Crosette, création d’un chenal de surverse pour envoyer les eaux vers le torrent des Bossons (voire option 7 bis les recollecter plus bas vers la Crosette).
Un comité de pilotage s’est réuni sept fois. Certaines solutions se sont révélées inadaptées, d’autres sont intéressantes à titre de complément ou pendant la phase travaux. Il a été décidé de provoquer une surverse maîtrisée avant que le lac atteigne un niveau trop important avec l’aménagement d’un chenal vers le torrent des Bossons.
Afin de limiter les obstacles à l’écoulement de la crue, les berges seront nettoyées des chablis et déboisées (travaux réalisés à l’automne 2022 pour la section amont et prévus au printemps pour la section route blanche-hôtel de l’aiguille du midi) ; les ponts de la route des Rives et du chemin Napoléon seront démontés et remplacés par des passerelles légères en juin 2023 avant d’être reconstruits en 2024 avec un nouveau gabarit hydraulique. En 2010 la poche d’eau pompée à . Une plage de dépôt historique se situe au niveau du parking de l’hôtel.
[Notons que les embâcles éventuels seront reportés au pont sous la route des Bossons toute proche du chemin Napoléon.]
Le chenal sera ensuite creusé en juillet-août 2023.
Les travaux seront financés pour moitié par l’Etat (sur le fonds dit Barnier et le fonds vert). Les riverains sont invités à s’inscrire sur un automate (https://ch.inscription-volontaire.com/chamonix/indes;php Ou par mail securité@chamonix.fr).
Mais celui-ci servira au partage d l’information mais non à l’alerte. L’option de la pose de capteurs de surveillance et d’un dispositif d’alerte des populations a été étudiée mais a été écartée car inopérante. En effet, en cas de vidange brutale, les écoulements parviendraient en moins d’une minute aux premiers enjeux.
(1) Le glacier des Bossons ne fait pas partie de l’échantillon de cinq glaciers suivi par le laboratoire LGE qui comporte Argentière, la mer de glace et des petits glaciers relictuels tels qu’Ossoue et Saint Sorlin. Avant ces mesures de 2021, on ne disposait pas de données sur la topographie sous-glaciaire du glacier des Bossons. L’attention de M. Vincent sur le lac périglaciaire a été appelée par M. Chandelier journaliste au Dauphiné libéré.
(2) À titre de comparaison, la catastrophe de Tête Rousse de 1892 avait mobilisé 100 000 m3 d’eau et 100 000 m3 de glace. En 2010 la poche d’eau de Tête Rousse avant pompage faisait 55 000 m3.
(3) Aussi appelé Creusette cf. Johann Berthet Les singularités hydronymiques des torrents chamoniards, un révélateur de systèmes torrentiels atypiques
(4) Cf. retour d’expérience récent du creusement d’un chenal pour réduire les risques liés au glacier de plaine morte
Questions /réponses
- Ludovic Ravanel, spécialiste du permafrost, observe que 50 à 80 lacs périglaciaires vont se former dans les prochaines décennies. Eric Fournier indique que des travaux ne seront engagés qu’en cas de risques pour la sécurité.
- La résurgence de la source du lac peut changer d’emplacement.
- Un riverain de la Crosette indique que ce torrent concerne beaucoup d’habitations, que son lit a été modifié par la plateforme du tunnel et qu’il conviendrait d’entretenir régulièrement son lit.
- Aux interrogations sur d’autres options il est répondu que l’option du pompage n’a pas été retenue car dès que l’on arrêterait de pomper, le lac regagnerait son niveau en moins d’une journée. Quant au creusement du lit rocheux sous la Crosette, il supposerait de retirer 130 000 m3 et les délais de chantier (200 jours) sont incompatibles avec l’urgence des risques.
- L’hypothèse de travaux de fermeture du Plan des eaux n’est pas exclue à l’échéance de 5 à 6 ans pour répondre aux risques futurs. Les travaux relèveraient de la compétence GEMAPI de l’EPCI (collectivités).
- Le risque d’une rupture de la langue terminale lors des travaux de creusement du chenal est estimé faible. Le volume de glace serait en toute hypothèse relativement faible.
- En réponse à une question sur d’éventuelles indemnisations, les riverains sont invités à lire attentivement les clauses de leurs contrats d’assurance.
- Des mesures foncières pourraient être envisagées.
- Compte tenu des risques inhérents au terrain, il n’est pas prévu de balisage pour faciliter l’accès d’excursionnistes au lac au-delà du belvédère aménagé
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