Une brèche irréversible dans les Bossons, le plus
majestueux des glaciers
Le changement climatique fait son œuvre. Le plus majestueux des glaciers est au début d’une mutation majeure. La plus jeune génération pourrait bien ne jamais contempler le sommet du mont Blanc qui descend jusque dans la vallée.
Par Sébastien Voinot, Dauphiné Libéré du 16/10/2023
Il est probablement le plus emblématique des glaciers du massif du Mont-Blanc. Son sommet n’est ni plus ni moins que le toit de l’Europe à 4 805,59 mètres. La langue de neige et de glace dévale la montagne en vallée de Chamonix, telle une cascade, jusqu’à 1 650 mètres en seulement 7,3 km. Comme l’aiguille du Midi ou le sommet du mont Blanc, ce site naturel remarquable est pratiquement connu de tous.
Pourtant, demain, la carte postale de Chamonix pourrait rapidement changer. Le glacier des Bossons est en sursis. Si chacun sait qu’il se rétrécit d’année en année en raison du changement climatique , un signe montre que sa mutation va s’accélérer, au point de modier totalement son aspect.
30 mètres d’épaisseur de glace fondue en deux ans
La découverte a été remarquée par un parapentiste qui survolait la face nord du massif du Mont-Blanc. Au-dessus du Plateau des Pyramides où le lac glaciaire a été vidé cet été 2023, le glacier présente une tache grise où la roche est à l’air libre. Un trou s’est formé dans la glace à une altitude d’environ 1 950 mètres.
Grâce à une balise d’ablation qu’il a lui-même posée, Luc Moreau arrive à un chiffre effrayant. « J’ai mesuré presque 30 mètres d’épaisseur de glace fondue sur les deux derniers étés ». Le symptôme est grave, le scénario pratiquement connu à l’avance. « On voit le lit rocheux, je pense que cet endroit va se dégager très rapidement l’été prochain », afrme le glaciologue Luc Moreau, qui ne cesse d’arpenter le terrain.
Le phénomène est lié à l’albédo, la capacité des glaciers à rééchir la lumière et la chaleur. À l’inverse, lorsque cette masse blanche disparaît, les surfaces plus sombres comme la roche nue emmagasinent de la chaleur et accélèrent la fonte en proximité, dans une sorte de cycle qui ne cesse de s’accroître.
De manière inéluctable, le trou dans le glacier des Bossons va s’agrandir. « Ça va faire comme pour le glacier d’Argentière, il va y avoir un grand espace déglacé avec des chutes de séracs », explique Luc Moreau. Dans les années 90, un trou noir était apparu, puis le 11 juin 2005, le glacier d’Argentière s’est fracturé en deux, dégageant ainsi une falaise de glace faite de séracs. Le scénario s’annonce identique avec une mort annoncée de la langue terminale du glacier des Bossons, soit une perte de longueur rapide d’au moins 300 mètres.
Un constat scientifique pessimiste
La prévision demande encore des conrmations. Une étude plus localisée est ainsi nécessaire. « Un radar héliporté sera utilisé par nos collègues suisses cet hiver pour mesurer l’épaisseur de glace, explique Olivier Gagliardini, glaciologue de l’Institut de géosciences de l’environnement (IGE) à l’université de Grenoble. Pour l’instant, nous avons très peu de données sur le socle rocheux dans cette partie de pente forte ».
La morphologie du bassin-versant des Bossons doit être précisée, avec une interrogation pour Olivier Gagliardini. « Est-ce que ce que l’on voit apparaître, c’est juste localisé ? Ou est-ce qu’il n’y a pas beaucoup de glace partout ? Est- ce que l’on risque d’avoir à court terme une séparation de la partie basse, de la partie haute ? »
Luc Moreau rappelle, lui, un constat scientique qui ne pousse pas à l’optimisme. « Depuis 35 ans, la diminution des glaciers est de 48 mètres d’eau perdus sur toute la surface des glaciers, que ce soit la Mer de Glace, le glacier d’Argentière et les autres ».
Alors, au-delà de l’aspect patrimonial et esthétique pour le glacier des Bossons, cette situation amènera d’autres questions pour cette section de glacier tempéré. Est-ce que de nouveaux risques vont apparaître ? Va-t-on vers un effondrement partiel ? Il est encore trop tôt pour avancer sur ces hypothèses. La seule certitude est que le glacier des Bossons va passer sous observation scientique des chercheurs, un site de plus à étudier à la loupe.
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